Ronflements, fatigue, somnolence : peut-être une apnée du sommeil ?

Ronflements, fatigue, somnolence? Découvrez dans ce blog les causes, symptômes, diagnostic et traitements de l'apnée du sommeil. Causes: surpoids, anatomie, tabac, alcool. Diagnostic: polysomnographie. Traitements: PPC, orthèse, chirurgie, perte de poids, stimulation hypoglosse.

TROUBLES DU SOMMEILSANTÉ ET BIEN-ÊTREPRÉVENTION CARDIO-VASCULAIRE

Dr Cédric Yves Bandelier

9/15/20238 min read

Ronflements, fatigue, somnolence : peut-être une apnée du sommeil ?
Ronflements, fatigue, somnolence : peut-être une apnée du sommeil ?

Somnolence diurne et ronflements : pensez au dépistage de l'apnée !

L'apnée du sommeil est un trouble respiratoire courant qui touche près de 5% de la population adulte dans les pays développés (1). Elle se caractérise par des interruptions involontaires et répétées de la respiration pendant le sommeil. Ces pauses respiratoires, appelées apnées, peuvent durer de 10 secondes à plus d'une minute et se produire des dizaines de fois par nuit.

Causes et facteurs de risque de l'apnée du sommeil

Plusieurs facteurs ont été identifiés comme augmentant le risque de développer une apnée obstructive du sommeil (2):

- Surpoids et obésité: l'excès de graisse dans le cou comprime les voies aériennes supérieures. C'est le principal facteur de risque, avec un risque multiplié par 10 chez les obèses morbides (3).

- Morphologie du visage et de la mâchoire: un rétrécissement des voies aériennes dû à la structure osseuse faciale peut obstruer la respiration. Une étude a montré que les patients apnéiques avaient une mandibule plus petite, un menton plus étroit et une position plus en retrait de la mâchoire inférieure (4).

- Sexe masculin: les hommes sont plus à risque, surtout après 40 ans lorsque le tour de cou augmente (5). Le risque est 3 à 5 fois plus élevé chez l'homme (1).

- Âge avancé: le vieillissement provoque un relâchement des muscles de la gorge. La prévalence de l'apnée augmente avec l'âge (6).

- Tabagisme: l'irritation des voies respiratoires favorise leur obstruction. Les fumeurs ont un risque 3 fois plus élevé (7).

- Consommation d'alcool: la sédation provoquée diminue le tonus musculaire des voies aériennes. L'alcool augmenterait de 25% le nombre d'apnées (8).

- Prise de certains médicaments: les sédatifs et myorelaxants ont un effet relaxant qui collabe les voies respiratoires. Les benzodiazépines multiplieraient par 3 le risque d'apnée (9).

- Mâchoires rétrécies: un recul de la mâchoire inférieure rétrécit l'espace dans la gorge. Une étude montre un lien entre apnée et rétromicrognathie (10).

Symptômes et conséquences de l'apnée du sommeil

Les symptômes les plus courants de l'apnée obstructive du sommeil sont (11):

- Ronflements sonores et quotidiens

- Sensations d'étouffement et de suffocation la nuit

- Pauses respiratoires constatées par le conjoint

- Somnolence diurne excessive, fatigue chronique

- Difficultés de concentration et pertes de mémoire

- Maux de tête matinaux

- Nycturie (besoin d'uriner la nuit)

- Humeur dépressive

À long terme, l'apnée du sommeil non traitée augmente les risques de complications cardiovasculaires: hypertension artérielle, arythmies, infarctus du myocarde, AVC (12). Le risque d'accidents de la route est aussi multiplié par 15 en raison de la somnolence diurne (13).

Diagnostic de l'apnée du sommeil

Le diagnostic de référence de l'apnée repose sur la polysomnographie, un examen réalisé pendant le sommeil du patient en laboratoire du sommeil (14). Il permet d'enregistrer différents signaux: EEG, mouvements oculaires, tonus musculaire, paramètres respiratoires, cardiaques, saturometrie en oxygène.

Cet examen mesure l'index d'apnée-hypopnée (IAH) qui correspond au nombre d'apnées et d'hypopnées (réductions du débit respiratoire) par heure de sommeil. On parle d'apnée du sommeil à partir de 5 évènements par heure selon les recommandations (15).

D'autres examens peuvent aussi orienter le diagnostic:

- Polygraphie ventilatoire: enregistrement simplifié à domicile des paramètres respiratoires et cardiaques (16).

- Oxymétrie nocturne: mesure de la saturation en oxygène dans le sang.

- Endoscopie des voies aériennes supérieures: visualisation des obstacles anatomiques.

- Scanner ou IRM des voies aériennes: mise en évidence des rétrécissements (17).

Le médecin interroge également le patient sur ses symptômes et les témoignages de son entourage. Des questionnaires de somnolence comme l'échelle d'Epworth peuvent être utilisés (18).

Traitements de l'apnée du sommeil

Plusieurs options thérapeutiques existent pour traiter l'apnée obstructive du sommeil (19). Le choix se fera en fonction de la sévérité des symptômes, des facteurs déclenchants et des préférences du patient.

Pression positive continue (PPC)

Le traitement de référence est l'appareil à pression positive continue (PPC) qui délivre de l'air par un masque nasal pendant le sommeil (20). Cette pression pneumatique constante permet de maintenir les voies aériennes ouvertes et d’empêcher leur affaissement.

Ce traitement est très efficace et permet de normaliser l'IAH, de supprimer les ronflements et d'améliorer considérablement la somnolence et la qualité de vie (21). Le port du masque demande toutefois une période d'adaptation.

Orthèse d'avancée mandibulaire (OAM)

Cette gouttière buccale sur mesure déplace la mâchoire inférieure vers l'avant pour libérer le passage de l'air dans l’oropharynx (22). Elle s'adresse aux cas légers à modérés, notamment lorsque la rétropulsion mandibulaire est en cause. Son efficacité est moindre que le PPC.

Chirurgie des voies aériennes supérieures

Lorsqu'une obstruction anatomique des VAS est mise en cause, une intervention chirurgicale peut être proposée (23):

- Septoplastie: redressement de la cloison nasale déviée.

- Turbinectomie: réduction des cornets nasaux hypertrophiés.

- Uvulopalatopharyngoplastie: résection partielle du voile du palais et des amygdales.

Ces techniques permettent de lever le rétrécissement mécanique des voies aériennes, souvent en association avec le PPC.

Perte de poids

Chez les patients obèses, l'amaigrissement par un régime hypocalorique et l'exercice physique constitue un traitement essentiel (24). Une perte de poids de 10% améliore significativement l'IAH et les symptômes d’apnées obstructives.

Traitement positionnel

Le décubitus dorsal (sur le dos) aggrave l'apnée du sommeil. L'utilisation d'oreillers de positionnement ou de T-shirts dotés d'une balle dorsale permet de prévenir cette position pendant le sommeil (25).

Autres mesures

- Éviction du tabac, de l'alcool le soir et des médicaments dépresseurs respiratoires.

- Régularisation du rythme du sommeil.

- Traitement d'un reflux gastro-œsophagien associé.

- Gymnastique oro-faciale d’entraînement musculaire lingual et pharyngé.

Les dernières innovations pour améliorer le traitement de l'apnée du sommeil comprennent les masques nasaux intelligents qui ajustent automatiquement la pression délivrée par le PPC (26), et la stimulation du nerf hypoglosse par neurostimulation pour avancer la base de la langue (27).

La stimulation du nerf hypoglosse est une technique innovante qui améliore l'apnée en stimulant électriquement les muscles dilatateurs des voies aériennes. Elle s'adresse aux cas sévères réfractaires aux traitements conventionnels. Un neurostimulateur envoie des impulsions synchronisées à l'inspiration pour activer la contraction des muscles de la langue et du pharynx. Les études montrent une réduction significative des apnées mais l'efficacité reste inférieure à la PPC. Cette approche prometteuse offre une nouvelle option thérapeutique chez les patients en échec des autres traitements (28) (29)

En résumé, l'apnée obstructive du sommeil est un trouble fréquent aux conséquences sérieuses, mais qui peut être pris en charge efficacement par des mesures hygiéno-diététiques, des traitements mécaniques ou chirurgicaux, et une approche globale personnalisée. Un dépistage précoce et une observance thérapeutique optimale sont importants pour améliorer la qualité de vie des patients.

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Références

1. Peppard PE, Young T, Barnet JH, et al. Increased prevalence of sleep-disordered breathing in adults. Am J Epidemiol. 2013;177(9):1006-1014.

2. Malhotra A, White DP. Obstructive sleep apnoea. Lancet. 2002;360(9328):237-245.

3. Greenburg DL, Lettieri CJ, Eliasson AH. Effects of surgical weight loss on measures of obstructive sleep apnea: a meta-analysis. Am J Med. 2009;122(6):535-542.

4. Enciso R, Nguyen M, Shigeta Y, et al. Comparison of cone-beam CT parameters and sleep questionnaires in sleep apnea patients and control subjects. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod. 2010;109(2):285-293.

5. Jordan AS, McSharry DG, Malhotra A. Adult obstructive sleep apnoea. Lancet. 2014;383(9918):736-747.

6. Ancoli-Israel S, Kripke DF, Klauber MR, et al. Sleep-disordered breathing in community-dwelling elderly. Sleep. 1991;14(6):486-495.

7. Kashyap R, Hock LM, Bowman TJ. Higher prevalence of smoking in patients diagnosed as having obstructive sleep apnea. Sleep Breath. 2001;5(4):167-172.

8. Scrima L, Broudy M, Nay KN, Cohn MA. Increased severity of obstructive sleep apnea after bedtime alcohol ingestion: diagnostic potential and proposed mechanism of action. Sleep. 1982;5(4):318-328.

9. Vozoris NT. Sedative medication use: prevalence, risk factors and associations with body mass index using population-level data. Sleep Med. 2012;13(8):1029-1032.

10. Battagel JM, L'Estrange PR. The cephalometric morphology of patients with obstructive sleep apnoea (OSA). Eur J Orthod. 1996;18(6):557-569.

11. Punjabi NM. The epidemiology of adult obstructive sleep apnea. Proc Am Thorac Soc. 2008;5(2):136-143.

12. Yaggi HK, Concato J, Kernan WN, Lichtman JH, Brass LM, Mohsenin V. Obstructive sleep apnea as a risk factor for stroke and death. N Engl J Med. 2005;353(19):2034-2041.

13. Tregear S, Reston J, Schoelles K, Phillips B. Obstructive sleep apnea and risk of motor vehicle crash: systematic review and meta-analysis. J Clin Sleep Med. 2009;5(6):573-581.

14. Collop NA, Anderson WM, Boehlecke B, et al. Clinical guidelines for the use of unattended portable monitors in the diagnosis of obstructive sleep apnea in adult patients. Portable Monitoring Task Force of the American Academy of Sleep Medicine. J Clin Sleep Med. 2007;3(7):737-747.

15. Epstein LJ, Kristo D, Strollo PJ Jr, et al. Clinical guideline for the evaluation, management and long-term care of obstructive sleep apnea in adults. J Clin Sleep Med. 2009;5(3):263-276.

16. Mulgrew AT, Fox N, Ayas NT, Ryan CF. Diagnosis and initial management of obstructive sleep apnea without polysomnography: a randomized validation study. Ann Intern Med. 2007;146(3):157-166.

17. Rodenstein DO, Dooms G, Thomas Y, et al. Pharyngeal shape and dimensions in healthy subjects, snorers, and patients with obstructive sleep apnoea. Thorax. 1990;45(10):722-727.

18. Johns MW. A new method for measuring daytime sleepiness: the Epworth sleepiness scale. Sleep. 1991;14(6):540-545.

19. Qaseem A, Holty JE, Owens DK, et al. Management of Obstructive Sleep Apnea in Adults: A Clinical Practice Guideline From the American College of Physicians. Ann Intern Med. 2013;159:471-483.

20. Gay P, Weaver T, Loube D, Iber C. Evaluation of positive airway pressure treatment for sleep related breathing disorders in adults. Sleep. 2006;29(3):381-401.

21. Marin JM, Carrizo SJ, Vicente E, Agusti AG. Long-term cardiovascular outcomes in men with obstructive sleep apnoea-hypopnoea with or without treatment with continuous positive airway pressure: an observational study. Lancet. 2005;365(9464):1046-1053.

22. Marklund M. Predictors of long-term orthodontic side effects from mandibular advancement devices in patients with snoring and obstructive sleep apnea. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 2006;129(2):214-221.

23. Sher AE. Upper airway surgery for obstructive sleep apnea. Sleep Med Rev. 2002;6(3):195-212.

24. Greenburg DL, Lettieri CJ, Eliasson AH. Effects of surgical weight loss on measures of obstructive sleep apnea: a meta-analysis. Am J Med. 2009;122(6):535-542.

25. Jokic R, Klimaszewski A, Crossley M, Sridhar G, Fitzpatrick MF. Positional treatment vs continuous positive airway pressure in patients with positional obstructive sleep apnea syndrome. Chest. 1999;115(3):771-781.

26. Teschler H, Berthon-Jones M, Thompson AB, Henkel A, Henry J, Konietzko N. Automated continuous positive airway pressure titration for obstructive sleep apnea syndrome. Am J Respir Crit Care Med. 1996;154(3):734-740.

27. Eastwood PR, Barnes M, Walsh JH, et al. Treating obstructive sleep apnea with hypoglossal nerve stimulation. Sleep. 2011;34(11):1479-1486.

28.Schwartz AR, Bennett ML, Smith PL, et al. Therapeutic electrical stimulation of the hypoglossal nerve in obstructive sleep apnea. Arch Otolaryngol Head Neck Surg. 2001;127(10):1216-1223.

29.Pengo MF, Xiao S, Ratneswaran C, Reed K, Shah N, Chen T. Randomised sham-controlled trial of transcutaneous electrical stimulation in obstructive sleep apnoea. Thorax. 2016 ;71(10):923-931.